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Rhinocéros, zèbres, girafes... Au nord de la Tanzanie, 30 000 mammifères vivent dans un jardin d’Eden menacé

June 24, 2021
Source
L'Obs

La zone protégée de Ngorongoro revêt une importance mondiale pour la conservation de la biodiversité, mais la surexploitation touristique et l’expulsion des peuples indigènes en font une allégorie de notre rapport déréglé au vivant.

Par Jean-Baptiste Naudet

Publié le 24 juin 2021 à 10h29 Mis à jour le 24 juin 2021 à 19h10

On raconte que Noé, échappant dans son arche au déluge de Dieu qui punissait la méchanceté des hommes, a achevé ici son errance. Descendant de son grand bateau de bois, le patriarche biblique a dispersé tous ses animaux. Ici, à Ngorongoro, dans le « jardin d’Eden de l’Afrique », là où le monde a commencé. Là où tout paraît n’être qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. A flanc de falaise, à travers la végétation verdoyante de la forêt primaire, une piste vertigineuse descend vers ce paradis africain. Dans un nuage de poussière rouge, le chaotique chemin de terre zigzague jusqu’au fond de l’immense cratère du volcan Ngorongoro. « El-Nkoronkoro », le « don de vie » dans la langue maa du peuple Massaï. Dans cet immense amphithéâtre naturel, ordonné par les dieux d’Afrique, se jouent, derrière les remparts volcaniques, d’immuables scènes de début du monde.

Spectacle grandiose des hautes terres du nord de la Tanzanie, ce cirque fantastique de quelque 300 kilomètres carrés, protégé par des falaises de basalte aux reflets bleutés, est l’écrin d’une vaste plaine luxuriante. Une immensité verte tachetée de bosquets et de sombres dégorgements de lave figée où paissent d’impressionnants troupeaux d’herbivores. De plus de 600 mètres de profondeur, la vaste dépression circulaire s’étend sur plus de vingt kilomètres de diamètre. C’est la plus grande caldeira du monde. Cercle quasi parfait, féerique, cette cuvette est née, il y a deux millions d’années, de la colère des dieux, le cratère s’étant effondré lors d’une violente éruption du volcan.

Extraordinaire concentration d’animaux sauvages d’Afrique

Comme aux premiers jours de la Création, les animaux sont rois dans cette arche sauvage, l’une des merveilles d’Afrique et du monde. Tapissant les flancs de la caldeira, la forêt tropicale descend en se clairsemant jusqu’aux prairies. Au fond de la vieille chaudière affaissée, à près de 1 700 mètres d’altitude, sur une épaisse couverture herbeuse, grouille la plus importante concentration d’animaux sauvages du continent noir. On recense environ 30 000 mammifères de 55 espèces : zèbres, gnous, buffles, gazelles, guépards, léopards, hyènes, girafes, éléphants, hippopotames, rhinocéros…

La réserve abrite de nombreux ongulés, mais aussi la plus forte densité de mammifères prédateurs d’Afrique, notamment une centaine de lions. Avec près de 100 animaux au kilomètre carré, la faune sauvage prospère à l’abri des barrières rocheuses, tel un monde clos aux allures d’immense zoo à ciel ouvert. Au milieu des hippopotames, le rose de milliers de flamants se détache sur les eaux salées du lac Makat, formé par les pluies qui s’accumulent au fond de la cuvette volcanique.