La débacle de Bukanga Lonzo.
Baudouin Amba Wetshi
Comment l’incompétence et la cupidité ont englouti plus de 100 millions de dollars de fonds publics.
Récemment, le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba s’est rendu sur le site du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo et a constaté la débâcle technique et financière. La conception de ce projet, le choix du partenaire n’ayant pas de garanties techniques ni financières, la conclusion de gré à gré de contrats avec ce partenaire, les ordres de paiement de plus de cent millions de dollars en faveur du même partenaire ont eu lieu à l’initiative de la primature pendant que Augustin Matata Ponyo était le chef du gouvernement. Plus d’un million de $US ont été dépensés pour les cérémonies et la communication destinée à mettre en valeur ce projet et son initiateur. Matata comptait entrer dans l’histoire du pays comme celui qui aurait révolutionné l’agriculture du pays. Il comptait aussi se positionner comme dauphin de Joseph Kabila. Pour cela il fallait aller vite… Son collaborateur John Ulimwengu disait à la presse internationale: « I remember the prime minister telling us, ‘I am a politician. I made some promises to the population. While we are doing this, people are dying, people are starving ».
Il est effectivement allé vite: pas d’études de faisabilité technique, financière ni environnementale sérieuse, donc projet bancal ; choix absurde du site, choix hasardeux d’un partenaire, contrat de plus 150 millions de $ sans appel d’offres, contraire à la loi, paiements en procédure d’urgence de plus de cent millions de $US, sans garanties financières ni garanties de bonne exécution et finalement absence de tout suivi ni contrôle.
criminels à col blanc
Malgré ces constats, Matata nie toute responsabilité dans la débâcle et dans la perte de dizaines de millions de $ de fonds publics. Il réclame un audit par l’IGF (Inspection générale des Finances) non seulement du projet Bukanga Lonzo mais des autres marchés qui ont été conclu de gré à gré sous son autorité comme l’achat des avions de Congo Airways et les bus Transco, la réhabilitation de l’immeuble de la Primature dès son entrée en fonction début mai 2012.
L’inspecteur général des finances, chef de service, Mr Jules Alingete Key aura du pain sur la planche. Le rôle de l’IGF consiste – notamment – à s’assurer que les fonds publics soient bien utilisés, conformément aux règlements et lois et à déterminer les causes/responsables en cas de mauvaise utilisation. Avant même de se référer au rapport de l’audit réalisé à la demande du ministre des finances, Il pourrait déjà poser des questions sur les points suivants:
1. Conception du projet
Comment peut-on concevoir et proposer un projet d’une telle complexité sur différents plans sans une étude de faisabilité digne de ce nom: problèmes fonciers et cadastraux, respect des droits des populations, problèmes techniques, environnementaux etc.? Résultat? Échec technique et financier.
2. Contrat de $ 150 millions
Comment peut-on conclure un contrat de plus de 150 millions de gré à gré sans appel d’offres? Et sans que le partenaire sélectionné ne présente les garanties techniques et financières normalement requises. Comment proposer des dépenses de plus de 100 millions sans que ces dépenses ne soient prévues au budget de la nation? Serait-ce une nouvelle conception de la rigueur?
Question subsidiaire
En Afrique du sud, au Brésil et ailleurs, il existe de nombreuses sociétés réputées dans ce type d’entreprise et vous choisissez une petite société créée par des fabricants d’engrais qui a 3 employés et un chiffre d’affaire de 600.000 $ (*) et qui ne présente aucune garantie technique ni financière? Pouvez-vous expliquer?
(*) source: https://www.zoominfo.com/c/africom-commodities-pty-ltd/430456755 site d’informations sur les entreprises. Parmi les trois, Alexis Muyenga, agronome d’origine RDC.
Un autre site similaire indique 6 employés: https://www.apollo.io/companies/Africom-Commodities-Pty-Ltd/56e73e1ff3e5bb791a00946e?chart=count
Aucune enquête sérieuse de due diligence n’a été effectuée.