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Huile de Palme : Un Projet Américain à l’Agonie

May 28, 2013
Source
Cameroun Actu

Dénoncé de toute part, Herakles Farms a fini par suspendre ses opérations au Cameroun prétextant d’une décision du ministre des Forêts. Mais des documents internes renseignent sur les difficultés financières de la compagnie américaine et son amateurisme dans la conduite du projet laissant penser qu’elle aurait été dans l’obligation d’arrêter ses activités.

Un doute pèse sur les réelles motivations de Sithe Global Sustainable Oils Cameroun (Sgsoc), la filiale camerounaise d'Herakles Farms. En annonçant le 18 mai la suspension de son projet d’implantation et d’exploitation de 73 mille hectares de palmiers à huile, l’entreprise américaine a prétexté de sa volonté à se conformer à une décision du ministre camerounais des Forêts (Minfof), signée en avril de cette année. Laquelle l’enjoignait cependant à « arrêter ses opérations d’abattage des arbres » se trouvant sur le site du projet en l’absence d’autorisations nécessaires et non pas à suspendre ses activités. Le Minfof, Ngole Philip Ngwese, l’a d’ailleurs clarifié quelques jours plus tard, dans un communiqué.

Un changement de cap suspect pour qui connait l’arrogance qui caractérise les responsables de la société new-yorkaise depuis son installation au Cameroun : après avoir signé en septembre 2009 une convention d’établissement avec le gouvernement, document qui définit juste le cadre général d’exercice de l’activité, Sgsoc a passé outre les autres étapes de la procédure, bravé des décisions de justice, fait la sourde oreille aux cris des populations riveraines et lancé ses activités dans le Ndian et Koupe-Manengouba deux départements de la région du Sud-Ouest. A titre d’exemple, la où la loi exige un décret du président de la République, Sgsoc s’est contenté d’un document signé des autorités administratives locales.

 

Difficultés financières

Au Ced, association camerounaise en première ligne de la contestation de ce gigantesque projet de production d’huile de palme, on voit dans cette nouvelle attitude, une ruse d'Herakles Farms visant à camoufler des tensions de trésorerie qui l’auraient sans doute obligé à arrêter ses opérations. Dans un courriel révélé dans un rapport des Ong Greenpeace et Oakland Institute, publié mercredi aux Etats Unis, un employé affirme que l’entreprise est à court de liquidité. La situation est telle que la filiale de Herakles Capital, un fond spéculatif enregistré à Wall Street, s’apprêterait à vendre à moitié prix, sa plantation d’huile de palme basée au Ghana pour rembourser certains de ses investisseurs.

Greenpeace et Oakland Institute ont également eu accès à des communications par courriels entre cadres qui mettent en exergue des difficultés de la compagnie américaine à conduire le projet. Selon l’un de ces emails, 1,5 millions de plants de palmiers se dessèchent dans une pépinière en raison du retard pris dans le défrichage de la concession : « Les forestiers (…) ne savent pas comment s’y prendre (…) et passent leur temps à draguer les filles (…) » écrit l’auteur avant de prévenir « Si des changements drastiques ne sont pas apportés dans la façon dont ils opèrent, Herakles Farms atteindra bientôt un point de non-retour ». En fait, dénonce le même rapport, l’expérience dont Herakles Farms se prévaut dans ce type de projets se limite à l’exploitation depuis 2008, d’une plantation de palmiers à huile de 2500 hectares au Ghana. Une plantation d’ailleurs en voie de vente.

 

Mensonges

 Greenpeace et Oakland Institute ont intitulé leur rapport «Huile de palme au Cameroun : le double jeu d’Herakles Farms». C’est que, en accédant aux documents internes de la société américaine, elles sont arrivées à la conclusion que Herakles Farms œuvre abondamment de contre-vérités pour susciter l’adhésion des communautés, du gouvernement camerounais et des inventeurs à son projet de production de l’huile de palme.

A titre d’exemple, dans une lettre ouverte en réponse au rapport de septembre 2012 de ces mêmes Ong, Bruce Wrobel, patron d’Herakles Farms, assurait qu’il n’était pas un exploitant forestier et que seul le gouvernement camerounais bénéficierait de la vente du bois prélevé sur la concession. Mais aujourd’hui dans des documents destinés aux investisseurs, il est affirmé le contraire : « la vente du bois pourrait entraîner une hausse immédiate des bénéfices [de l’entreprise] (…) soit entre 60 et 90 millions de dollars pour les sept prochaines années». En réalité l’entreprise n’a même pas encore l’autorisation de procéder à l’abattage des arbres en témoigne la décision d’avril dernier du ministre camerounais des Forêt.

 

Corruption

Des déclarations « fausses », « mensongères » ou « inexactes » de ce type, Greenpeace et Oakland Institute en ont listées neuf dont celle où l’entreprise de Bruce Wrobel affirme sur son site internet que « la corruption ne sera jamais tolérée au sein d’Herakles Farms ». Un rapport du Minfof publier en février 2013 accusait pourtant sa filiale camerounaise d’user de corruption pour s’assurer du soutien des chefs, des membres influents ou des responsables des communautés.

 

« Le gouvernement camerounais sans chercher à connaitre Herakles Farms lui a signé une convention juste parce qu’il a vu des blancs vêtus de beaux costumes et de belles cravates » a commenté Samuel Nguiffo, responsable du Ced, après la publication du rapport. C’est pourquoi a-t-il indiqué, son association s’associe à l’appel de Greenpeace et Oakland Institute qui recommande « un moratoire sur l’attribution de nouvelles concession agroindustrielles jusqu’à ce que le Cameroun adopte une nouvelles approche en matière d’allocation de terres ».