Afrique … L’eau en question
Fatma Bendhaou
- Une manne convoitée
Si certains investisseurs étrangers ne voient pas d’intérêt dans une coopération gagnant–gagnant avec les pays africains, d’autres, n’étant pas toujours mus par des intentions bienveillantes, ne manquent pas d’exposer les pays africains à un autre type de défis.
Ainsi, le groupe de réflexion californien Oakland Institute a publié une étude montrant que des grandes entreprises agricoles mondiales montrent, depuis quelques années, un regain d’intérêt pour les opportunités qu’offre le continent.
"Depuis la crise alimentaire de 2007-2008, l'Afrique est la première destination des investisseurs internationaux pour les grands projets agricoles", révèle l’étude de l’Oakland Institute. Et d’ajouter : "Les gouvernements justifient l'offre des terres et de l'eau aux investisseurs par les besoins de développement et de sécurité alimentaire".
L’étude, intitulée "Assèchement des terres africaines : Le développement de l'agriculture à grande échelle menace l'accès à l'eau en Afrique" (Drying Out African Lands : Expansion of Large-Scale Agriculture Threatens Access to Water in Africa), a été menée sur 15 cas de projets agricoles à grande échelle dans 11 pays africains, où de grandes entreprises ont obtenu des droits d'exploitation des terres et de l'eau. Dans de nombreux cas, loin de bénéficier des retombées du développement, les populations locales sont souvent désavantagées, estime l’Oakland Institute.
"Lorsque des infrastructures d'irrigation sont mises en place, elles profitent aux entreprises privées pour l'agriculture à grande échelle, souvent pour les cultures d'exportation, plutôt qu'aux agriculteurs et aux communautés locales", affirme l’étude.
Et de mettre en garde : "Les personnes vivant dans des terres arides et semi-arides sont gravement touchées par les projets d'irrigation à grande échelle qui réduisent les pâturages disponibles et empêchent la culture de décrue, tandis que les barrières et les canalisations barrent les itinéraires habituels des populations et du bétail."
Ces projets entraînent souvent "la perte de cours d'eau et de marécages – détournés ou détruits pour établir des plantations", ajoute l’étude du groupe de réflexion californien, qui explique : "L'utilisation intensive de produits chimiques et de pesticides pollue les sources d'eau et entraîne la perte d'eau potable, de cultures, de poissons et de pâturages".
Selon cette étude, des institutions internationales influent sur les gouvernements africains pour qu’ils octroient de vastes étendues de terres aux investisseurs et un accès privilégié à l'eau pour établir des projets agricoles à grande échelle.
L’Oakland Institute affirme que, malgré l'impact dévastateur de ces projets sur les communautés locales, des pays africains font actuellement la promotion de dizaines de millions d'hectares de terres irrigables et de ressources en eau "sous-exploitées", via des agences de promotion des investissements mises en place par la Banque mondiale.